D’informaticien, Thomas Huriez est devenu patron d’une marque textile qui emploie 32 personnes. Au cœur de sa démarche, une conviction : l’idée que la mode doit mieux faire et changer ses habitudes.

Romans-sur-Isère a longtemps été la capitale de la chaussure. La cité de Jacquemart, située au pied du Vercors drômois, a longtemps représenté l’industrie florissante de la fabrication de souliers en cuir. Jusqu’au début des années 1980, où les ateliers ont fermé les uns après les autres. « Je venais chez ma grand-mère tous les week-ends, et j’ai vu cette dégringolade. C’est avec le temps que j’ai réalisé le désastre que ça a été pour la ville. »

Si Thomas Huriez a grandi et vécu à Grenoble, il n’en reste pas moins attaché à la ville de sa famille. « Après mes études, j’ai bossé dans l’informatique. Rapidement, ça ne m’a pas plu, ça n’avait pas de sens. Avec ma compagne, on a voulu changer de cadre de vie. C’est là qu’on a eu l’idée de créer notre boîte. » Celui qui « ne fait pas attention à son look » comprend vite que les vêtements renvoient, même sans le vouloir, une certaine image de soi : « J’ai vite compris qu’à Romans, il n’y avait aucune boutique de vêtements équitables, plus respectueux de la nature et de la planète. »

C’est qu’en 2007, le courant n’est pas vraiment en vogue. Mais le néo-Drômois, du haut de ses 26 ans, en a la conviction : les choses vont changer. Sa famille va l’y aider : « J’ai réaménagé une maison qu’avait ma famille et qui n’était pas utilisée. J’y ai installé ma boutique, et j’ai appris le métier de commerçant. » Un apprentissage qui se fait grâce à sa grand-mère : « Le deal, c’était qu’elle m’héberge le temps que l’entreprise marche, et je lui donnais un coup de main en échange. »

Les marques coulent, il crée la sienne

Après quelques années d’exploitation, le magasin Modétic a rencontré son public. Mais, si les clients viennent, les marques aussi vont et viennent : « Au début des années 2010, tout le monde pensait que la mode éthique était réservée aux hippies, aux fous, mais pas au grand public. C’était difficile pour une marque de rester solide. » Alors, face à la disparition de ses partenaires, Thomas Huriez a une idée : pourquoi ne pas créer sa marque ?

D’abord informaticien, Thomas Huriez n’a pas créé sur un coup de tête. Il revient aussi sur la réflexion qui l’a amené à concevoir des vêtements, avec un déclic grâce au Musée de la chaussure de Romans, mais aussi sur son rapport au vêtement et au jean. Son Nicolas Galllien.

« J’ai voulu reprendre la logique des commerçants de la période des 30 glorieuses : le commerçant fabrique et revend directement ses produits, sans intermédiaires qui viennent prendre une part. » Pour ce faire, il pense tout de suite aux jeans : « C’est sûrement le vêtement le plus polluant. Et c’est un vêtement universel : peu importe le sexe, l’origine, la religion, tout le monde porte un jean. » Un nom vient rapidement en tête du créateur : 1083. « C’est la distance qui existe entre Menton (Alpes-Maritimes) et Porspodern (Finistère) à vélo. Comme je voulais tout fabriquer en France, ça collait bien », sourit le trentenaire.

« Je suis chef d’entreprise, mais avec des convictions. »

Thomas Huriez

Les étapes s’enchaînent ensuite. Les ateliers de confection n’existent plus ? 1083 crée son atelier, achète des machines à coudre et les outils adaptés à la fabrication de vêtements. Le délavage pollue ? La marque investit dans une machine laser capable de reproduire le même délavage. Les filatures n’existent plus ? L’entreprise s’associe avec Le Slip français pour reprendre Tissage de France, alors en liquidation judiciaire. « Je suis chef d’entreprise, mais avec des convictions. Tout ce que je fais suit cette logique. »

Aujourd’hui, 1083 se porte bien. La marque a trouvé son rythme de croisière. « Au début, nous faisions 30% de notre chiffre d’affaires à Romans. Maintenant, la boutique ne représente plus que 3%. » Thomas Huriez fait en sorte que son entreprise ne grandisse pas en silo, mais en réseau : « Notre but, c’est que nous nous développions avec d’autres acteurs, de manière à structurer une filière et à ne pas mettre nos œufs dans le même panier. En cas de pépin, ça nous permet d’être plus solides. » De quoi surfer sur la vague du Made in France ? Thomas Huriez sourit : « On ne surfe pas, on a créé la vague ! Maintenant, on maintient simplement le mouvement. »

kudh

La reprise d’une usine comme symbole

Avec l’augmentation de son activité, 1083 est désormais à l’étroit entre ses bureaux basés dans la maison familiale des Huriez et sa plateforme de production située dans un ancien supermarché. « Nous n’avons plus de place pour nous étendre. Il faut qu’on réfléchisse à autre chose. » C’est le projet Jourdan, rebâtir, sur l’ancienne usine de Charles Jourdan, du nom du fabricant de chaussures mondialement reconnu et dont l’usine a fermé au milieu des années 2000. « C’est un site emblématique de la ville. Ce serait un beau symbole que de voir ce navire industriel renaître avec une autre marque textile », souligne Thomas Huriez.

Alors, 1083 voit grand : logistique, bureaux, production, mais aussi une boutique, un restaurant, une salle de conférence, des visites guidées… « On veut en faire une plateforme reconnue de la mode équitable. » Le projet, s’il aboutit, devrait voir le jour en 2022.

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