Souvent, les agriculteurs sont imaginatifs. Parfois, ils sont aussi curieux : c’est le cas de Yohan de Wit et des frères Médéric et Samuel Cardeillac. Les trois amis ont décidé de planter du coton dans les coteaux gersois et d’en créer une marque, Jean Fil.

Essayer et continuer, malgré les difficultés et les imprévus. Une chose que créateurs et agriculteurs connaissent bien. Alors, quand ils sont créateurs et agriculteurs, autant dire qu’il faut savoir s’adapter. « Ça a été long pour y arriver », sourit Yohan de Wit.
Le Gersois a créé, avec son beau-frère, Médéric Cardeillac et le frère de ce dernier, Samuel, la marque Jean Fil, spécialisé dans le polo 100 % coton. Une matière française, produite sur leurs coteaux de Montréal-du-Gers, petite commune aux frontières des Landes et du Lot-et-Garonne. Du coton français ? « Tout le monde pense que c’est une culture réservée aux pays chauds et humides. Pourtant, c’est tout le contraire : ici, la plante pousse sans irrigation. »
Essayer pour se diversifier
En 2017, les trois associés lancent une première récolte : « C’était très compliqué, on avait adapté un cueilleur à maïs. En 2018, on a acheté, en Espagne, une machine américaine prévue pour ça », indique Médéric. Tout de suite, ça va mieux. La production progresse et chacun apporte sa touche. Yohan détaille : « On vient tous d’ici. La ferme de Samuel et Médéric est juste en face de celle de mes parents, de l’autre côté de la colline. Comme on connaît bien la terre et que nos formations sont complémentaires, on améliore le process tout le temps. »
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De quatre hectares, la zone de production passe vite à 14. Les commandes aussi affluent. D’une centaine de polo en 2018 (« surtout du bouche à oreille » précise Yohan), Jean Fil passe à 550 en 2019 et 4 000, pour le moment, en 2020. « On est pas là pour trier les lentilles ! » sourit le trentenaire aux lointaines origines néerlandaises. « C’est une belle progression, qui tient à plusieurs facteurs : les tendances, le salon du Made in France (MIF) en 2019 où nous avons été désignés entrepreneurs de l’année, et notre exposition à l’Elysée. Et on a l’impression qu’avec la crise sanitaire, les gens ont encore plus envie de consommer local. »
« On voulait produire du coton dans le Gers, on nous a pris pour des fous ! »
Yohan de Wit
Pourtant, peu misait sur une telle progression. Le monde rural peut parfois être difficile. « Quand on a dit qu’on voulait produire du coton dans le Gers, on nous a pris pour des fous ! Mais nos parents ont apprécié la démarche. Et c’est vrai qu’au premier abord, ça peut surprendre de voir des rangs de coton entre les vignes d’Armagnac et les champs de céréales. » Samuel et ses compères sont conscients de la surprise et de l’enthousiasme que leur démarche suscite : « Souvent, les gens viennent jusqu’ici pour regarder la plantation et ce qu’on fait. Pourtant, on est perdus ! » s’exclame Samuel.
Médéric étaye : « Depuis le MIF, on est énormément sollicité par les médias. Mais c’est top, ça montre qu’on ne s’était pas trompé dans la démarche. » Une démarche qui a de beaux jours devant elle : « On est installé dans les maisons de nos parents, et la demande continue. On veut continuer comme ça : bâtir le présent en se servant du passé et en regardant vers l’avenir. » Entre traditions familiales, amis et innovations, Jean Fil un bon coton.
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Du coton made in France, comment ça marche ?
Contrairement aux idées reçues, le coton peut aussi se plaire en France : « Ici, il y a un climat océanique, une roche calcaire, des pluies fréquentes : c’est parfait pour la plante » observe Médéric. La plante, qui résiste très bien à la chaleur, est semée au printemps, à l’abris des regards. « Ça a été tellement compliqué de mettre en place le process… » grimace Samuel. La plante vient en fleurs au début du mois d’août, avant d’être récolté fin septembre grâce à une machine spécifique. Ensuite, la plante est égrenée avant d’être expédiée aux usines de tissages. Un rythme qui laisse peu de repos aux Montréalais : « Entre la vigne, les céréales et le coton, les récoltes s’enchaînent » confirme Médéric.
Les trois agriculteurs veulent maintenir leur surface de 14 hectares mais continuer d’améliorer les méthodes de production. « Nous cultivons en agriculture raisonné, car la plante est solide et ne craint que les attaques de limace. »
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Toute une filière en France
Avec l’apparition de Jean Fil, c’est toute une filière du coton qui s’est recréée en France. « Tout existe, de la production, avec nous, jusqu’au tissage et à la filature. Nous avons peut-être le seul vêtement en coton 100 % fabriqué en France. »
Pour la confection de leurs polos, Jean Fil fait appel à Tissage de France, entreprise mosellane rachetée en 2018 par l’entrepreneur Thomas Huriez, fondateur des jeans 1083. Les Gersois voient d’un bon oeil cette synergie : « Ces derniers temps, on parle beaucoup de relocalisation industrielle. À notre échelle, on y participe aussi. »
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