Anaïs Chibani a créé la marque Damoiseaux il y a six ans. Si la marque vole désormais de ses propres ailes, le parcours de jeune créatrice de la Lyonnaise n’a pas toujours été simple, entre succès inattendus et démotivation.

Anaïs Chibani a créé Damoiseaux il y a sept ans. Crédit photo Lyon Plus.

Il faut gravir des escaliers pour arriver, le souffle haletant, place des Tapis, à Croix Rousse, sur les hauteurs de Lyon. C’est le quartier préféré d’Anaïs Chibani, « une ville dans la ville, avec son identité ». C’est ici que la Montpelliéraine s’est établie il y a cinq ans, à la recherche d’une ville plus tranquille et attractive en terme de création d’entreprise. Derrière ses grandes lunettes, la brune aux cheveux longs déroule, d’une voix douce et posée, une expérience déjà fournie dans la mode : « J’ai fait l’Esmod, à Bordeaux, pour avoir les fondements du métier dans une école réputée. Mais très vite, j’ai compris que le système classique ne m’allait pas. » En 2012, elle part à Dusserdorf (Allemagne) pour s’initier à l’upcycling (lire par ailleurs). Mais il manque un côté créatif à Anaïs.

En revenant en France, en 2013, elle veut se lancer dans un projet. Elle réfléchit à quelque chose d’utile et d’amusant. Lui vient l’idée d’un caleçon, pour homme, fait à partir de chute de tissus. « Comme j’étais seule, je ne voulais pas me lancer dans plusieurs produits. Je souhaitais autre chose qu’une marque de t-shirt comme tout le monde. Alors, j’ai pensé aux caleçons : c’est utile, et il n’y avait rien de fun à ce moment-là. J’avais envie d’apporter quelque chose de décalé. »

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Damoiseaux est lancé en mai 2014. Pour son univers, Anaïs s’inspire du “chill“ de la côte Atlantique et de sa jeunesse, mais aussi du côté surf de Bordeaux. Ses tissus bariolés et colorés séduisent. La marque décolle en juin de la même année. « Un blog mode masculin a fait un article à mon sujet. Du jour au lendemain, je suis passée à quatre commandes par jour ! » Difficile de mener de front le développement de sa marque et de continuer les boulots alimentaires. Entre la garde d’enfants, la vente de prêt-à-porter et le chômage, tout n’a pas été simple. « J’ai eu la chance que Damoiseaux progresse de manière constante, même s’il y a eu des hauts et des bas. En 2017, j’ai même failli arrêter », confie la créatrice entre deux sourires. « Pendant mon job alimentaire, j’avais beaucoup de mal à enchaîner le travail et le développement de Damoiseaux. »

Réussir à devenir autosuffisante

En 2018, une péripétie supplémentaire la met en difficulté : « Dans mon idée de faire une mode éthique, j’ai travaillé avec les couturières d’une association de réinsertion. Le projet de départ me plaisait, mais des déboires financiers ont failli faire tomber la marque. »  Le salut viendra finalement de L’Oréal. « Une semaine après, j’ai été contacté pour présenter mes produits au marché de Noël de L’Oréal. C’était à l’opposé de mes valeurs, mais ça a sauvé ma petite entreprise », sourit-elle.

Mais la gestion d’entreprise nécessite quelques fondements, que les écoles de modes n’apprennent pas. Anaïs décide alors, en septembre 2017, de reprendre ses études. Elle rentre en master mode et communication, à Lyon, puis en master 2 communication digitale. « C’était ce qu’il me fallait pour pouvoir gérer mon entreprise de A à Z. J’ai pu faire mon stage de fin d’étude avec Damoiseaux : ça m’a éclairé sur la façon dont il fallait gérer tout cela. »

« Dans la mode, on aime bien nous mettre dans des cases. »

Anaïs Chibani

Aujourd’hui, Anaïs y voit plus clair et sait où elle veut aller. Tout en continuant d’associer le client au développement de sa structure, elle est sortie de la monoculture du caleçon homme en proposant des bobs, des shorts de bains et des caleçons pour femme. Avec son ami, lui aussi artiste (dessinateur, peintre et motion designer), elle souhaite refaire son site internet. En gardant l’idée de sortir des cases et de ne pas se cantonner à l’étiquette “upcycling“. « Dans la mode, on aime bien nous mettre dans des cases. » Plus professionnel, Anaïs veut réussir à « être autosuffisante avec Damoiseaux. Aujourd’hui, je n’en suis plus très loin. » Avec la même ligne directrice qu’à ses débuts, créer. « C’est ce qui me fait avancer », glisse-t-elle dans un sourire.

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Qu’est-ce que l’upcycling ?

L’upcycling, cela consiste à créer à partir de l’existant, soit la récupération de chute (de tissus, d’élastique, de boutons, etc.). « C’est quelque chose où la France était en retard. J’y ai beaucoup appris, notamment comment réutiliser et détourner la matière. » Anaïs a été précurseur dans le domaine de l’upcycling, en amenant en France une tendance assez répandue outre-Rhin. Elle était aussi une des premières à opter pour une boutique dématérialisée, où chacun choisit son caleçon sur l’e-boutique du site. « Je proposais aussi un service sur-mesure, où chacun pouvait m’envoyer son tissus pour que j’en fasse un caleçon. C’était assez novateur à l’époque. » Avec le temps, elle s’est fait un réseau : « Mes chutes ont au moins 20 ans et viennent du coin. Seul les étiquettes et les élastiques sont neufs ; les deux sont faits dans la Loire, autour de Saint-Etienne. » Elle réfléchit toujours à gaspiller le moins possible. « Un caleçon me prend 45 minutes à être produit. Je garde toutes les chutes et les trie par taille pour pouvoir faire les bobs. » Rien ne se perd…

Le vêtement comme moyen d’expression

Anaïs a toujours eu l’âme créatrice. Entre la musique et la peinture, elle a toujours aimé utiliser les médiums à sa disposition pour créer. Elle a aussi toujours considéré le vêtement comme un moyen d’expression : « Petite, je passais mon temps à nettoyer des objets pour les revendre avec ma tante, en Camargue, dans des vide-greniers. J’ai toujours aimé les fringues et les vieux tissus, ça m’amusait de bricoler tout ça », sourit-elle. Alors, tôt, elle déchire, découpe, découd et recoud. Défait et refait. « J’ai très tôt appris à coudre, avec ma mère, ma tante et ma grand-mère. J’ai fait d’autres choses, comme la peinture, mais le vêtement m’a toujours plus intéressé. » Au point d’en être vital pour elle. « Quand je ne crée pas, ça me manque vite. Il faut que mes doigts sortent les idées que j’ai en tête ! »

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