Une trentaine d’années séparent Heide Baumann et Julia Schena, les co-créatrices de la marque bordelaise Aatise. Pourtant, toutes deux se rejoignent autour d’un même objectif : revoir la façon de consommer et d’envisager la mode.

Heide Baumann et Julia Schena ont fondé Aatise après plusieurs années dans la mode conventionnelle. Photo Nicolas Gallien.

Sur la place des Quinconces, vendredi 24 mai 2019, il y a foule à Bordeaux pour le World Impact summit, un sommet des entrepreneurs engagés dans l’économie à impact écologique et social positif. Sous les chapiteaux, les rendez-vous et présentations s’enchaînent. Les participants exposent leurs projets pour toucher de nouvelles personnes afin de repenser le modèle de production et consommation pour préserver la planète. Quand il s’agit de définir Aatise, jeune marque de prêt-à-porter bordelaise créée en 2017, Julia Schena, l’une des deux fondatrices, renvoie au vieux français : « Le mot “atise“ signifie la gageure, la provocation. Notre marque est un défi à changer les modes de consommation. » À savoir, revoir son rapport à la mode et ne pas penser « que les vêtements poussent sur les arbres ».

Un changement que la brune de 30 ans explique, d’une voix suave et assurée, par une prise de conscience : « En 2013, je travaillais comme attachée de presse pour une marque de prêt-à-porter assez connue en France. Le documentaire “Le monde selon Monsanto“ (documentaire de Marie-Monique Robin, initialement diffusé en 2008) m’a fait comprendre que quelque chose n’allait pas. »

C’est en 2015 que la rencontre avec Heide Baumann a lieu. Cette Allemande de 50 ans, à l’accent mâtiné de la langue de Goethe, vit en France depuis 1987. Heide connaît tout de la mode, du stylisme à la commercialisation du vêtement. Elle travaillait dans la même enseigne que Julia, et a développé une allergie à la “fast fashion“, cette mode qui enchaîne les collections à chaque saison à un rythme infernal. Jusqu’à, elle aussi, dire stop : « Lorsque ma mère est décédée en 2010, je me suis rendue compte du nombre de vêtements qu’elle avait amassés, sans utilité, au fil du temps. Je me suis dit qu’il n’était pas possible de continuer comme ça. » Cette rencontre de deux femmes, chacune à un tournant de leurs vies respectives, donnera Aatise, fruit d’une longue réflexion.

« Nous participons à un cercle vertueux en proposant des produits qui durent »

Heide Baumann et Julia Schena

En 2017, le duo dépose ses statuts juridiques d’Aatise, avec un objectif en tête : remettre de la justesse dans la mode, en concevant des vêtements “responsables“ et de qualité. Pour cela, Heide et Julia se fixent un objectif : concevoir des pièces entièrement biodégradables, à partir de matières françaises, allemandes ou autrichiennes, avec une fabrication en France. Un travail de longue haleine : « Rien que pour le “sourcing“ (recherche des matières premières, NDLR), nous avons mis un an pour trouver les bonnes matières. C’est une tâche compliquée, surtout lorsque l’on est une petite structure qui débute » glisse dans un sourire Julia.

Pour se lancer, le duo intègre l’incubateur de Darwin, structure bordelaise permettant aux start-up et jeunes entreprises aux valeurs vertes et solidaires d’être aidées dans leurs premiers pas. Après des mois de recherche et de développement, elles présentent leur premier prototype. Une robe, avec un système de commande peu commun : la marque propose un prototype de coupe et de tissus, puis réalise le nombre de pièces en fonction du nombre d’achats. « Cela nous permet de limiter les stocks inutiles et notre empreinte en terme de consommation d’eau et de solvants, que nous réutilisons de toute façon », précise Heide Baumann.

gsw

Depuis, la marque poursuit son développement, avec le lancement d’une gamme homme. « Notre pantalon est fabriqué en Liocell, un tissu issu de fibre de bois qui respecte l’environnement. C’est le premier pantalon Liocell fabriqué en France. » La start-up commence à acquérir une certaine légitimité, en étant remarquée sur des salons et sur le web. « En dix mois, nous avons dégagé 20 000 euros de bénéfice. Aatise est un bébé qui marche sur ses deux jambes, mais que nous devons encore accompagner pour qu’il se débrouille seul », plaisante la jeune trentenaire.

Les co-créatrices voient désormais plus loin. Elles veulent développer leur distribution, en touchant les grandes métropoles. En s’appuyant sur la tendance actuelle : « Beaucoup de personnes ont compris qu’on ne pouvait plus continuer comme ça. Il y a une véritable prise de conscience. Oui, nos vêtements coûtent cher, mais nous participons à un cercle vertueux en proposant des produits qui durent, et qui ne partiront pas à la poubelle après une saison », précisent de concert Julia Schena et Heide Baumann. À la vue du monde entourant leur stand, l’avenir semble plein de promesses pour les deux entrepreneuses.

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